UNE HISTOIRE « ORANJE » (II/V)

ANNEMIEK VAN VLEUTEN : « J’ESPÈRE VOIR DE PLUS EN PLUS DE NATIONALITÉS ENTRER DANS LA DANSE »

Annemiek van Vleuten a récemment raccroché son vélo, à la fin de la saison 2023, au bout d’une carrière extraordinaire qui l’a vue triompher dans à peu près toutes les grandes courses cyclistes : les Mondiaux, les Jeux Olympiques, les classiques les plus prestigieuses et les Grands Tours, notamment le Tour de France Femmes avec Zwift 2022, pour le retour de l’épreuve près d'un quart de siècle après les premiers exploits des pionnières « Oranje » des années 1980. L’icône néerlandaise a ouvert de nouveaux horizons pour les cyclistes féminines, avec ses envolées et ses camps d’entraînement novateurs qui lui ont permis de survoler les montagnes et ses rivales dans le Tour. Tout en profitant de sa nouvelle vie, elle reste une observatrice active de son sport. Elle vient de découvrir l’ascension du Mont Ventoux avec ses amis du club cycliste Toerclub Wageningen et se prépare à suivre le Tour de France Femmes avec Zwift 2024 de Rotterdam à l’Alpe d’Huez, en tant que consultante pour la télévision sur la chaîne NOS Sport aux Pays-Bas.

À quel point votre vie a-t-elle changé depuis la fin 2023 ?

Énormément ! Beaucoup de cyclistes rencontrent des difficultés au moment d’arrêter la compétition, mais je n'ai pas du tout ce problème. J’adore faire du vélo, mais je n'en fais plus qu'une ou deux fois par semaine et cela me convient. Cela ne me dérange pas non plus de ne plus me surpasser. Je n’ai plus besoin d'être rapide, je n'ai plus besoin de faire ce que j’ai fait pendant 16 ans de professionnalisme ! Maintenant, le vélo me permet de m’amuser, de découvrir le monde, de poursuivre des aventures... Donc cette excursion au Mont Ventoux avec des amis correspondait parfaitement ! J’ai beaucoup plus de temps dans ma vie. Ça m’a permis d’être plus souvent avec mon partenaire, je suis allée en Ouganda pendant deux semaines avec ma mère et je profite simplement de la vie sans le vélo. Je n’ai pas besoin du vélo, je n’ai pas besoin de la compétition. J’aime toujours regarder, mais je pense que je me suis arrêtée à un bon moment.  

Vous avez également analysé des courses à la télévision... Je ne fais pas de commentaires complets, ça me semble un peu trop long, mais je suis quand même beaucoup les compétitions. Je vais être présente sur le Tour de France et tout le Tour Femmes avec Zwift, ainsi qu’aux Jeux olympiques ! J’ai donc un été sportif assez chargé. Et j’aime suivre le sport. J’écoute des podcasts, je regarde ce que chacun fait, je suis les informations concernant les transferts... Je suis toujours investie, non seulement pour le circuit féminin, mais aussi du côté des hommes.  

Quelle trace le Tour de France Femmes avec Zwift a-t-il laissé dans votre carrière ? Le départ du Tour de France Femmes avec Zwift m’a donné le sentiment que notre sport avait véritablement atteint un niveau professionnel. D’un point de vue commercial, il était vraiment intéressant d’organiser cet événement, ce qui me rend fière et heureuse. Et le nombre de personnes qui regardent la course... Certains pensent que les Jeux Olympiques sont plus importants, mais lorsque je suis rentrée chez moi après le Tour, j’ai eu l’impression que beaucoup plus de personnes m’avaient regardée que lorsque j’ai remporté l’or aux Jeux. Cela a eu plus d’impact que je ne l’imaginais. Le Tour permet de toucher un public qui ne suit pas nécessairement le reste du cyclisme. C’est la même chose pour les hommes. Il y a plus de gens qui suivent le Tour que n’importe quel autre événement.  

« Au début, je n’étais pas particulièrement attirée par le Maillot Jaune. J’avais l’impression que c’était quelque chose pour les gars »   Vous avez à peu près tout gagné... À quel point est-il difficile de remporter le Tour ?

J’ai été malade les premiers jours, c’était donc un défi vraiment difficile à relever pour surmonter la maladie dans le Tour et le gagner ! J’ai eu des problèmes d’estomac, surtout les deux premiers jours. Le dernier jour, j’ai eu des problèmes mécaniques et toutes les équipes ont commencé à courir contre moi... Vous devez gérer ces moments et cela fait partie du Tour. Il y a tellement de pression, parce que c’est un événement si important… Je pense que c’est la pression la plus forte que j’ai ressentie dans ma carrière. Quand vous courez pour le général, vous devez répondre présent tous les jours. Et le fait de savoir que tout le monde regarde la course ajoute une pression supplémentaire. Si vous faites une erreur, tout le monde aura une opinion. Vous essayez de ne pas y penser, mais c'est dans un coin de votre tête, vous savez que vous êtes en direct à la télévision. La beauté d’une telle victoire vient aussi de l’effort collectif, on gagne avec les autres coureuses et l’encadrement. Tout le monde joue un rôle. Je dirais que j’ai pu gagner des courses d’un jour toute seule, mais on ne peut pas gagner le Tour de France Femmes avec Zwift sans une équipe.   Qu'avez-vous fait du Maillot Jaune ? Tout d'abord, j'ai participé à de nombreux critériums aux Pays-Bas parce que ma victoire au Tour m’a permis d’être beaucoup invitée. Je n’ai donc pas enlevé les dossards. Je me suis dit que ce serait sympa de garder le maillot avec les numéros... Et maintenant, il est accroché chez moi, dans le couloir. Je le vois souvent. Il est en bonne compagnie avec d’autres maillots que j'ai gagnés. J’ai aussi gagné deux lions. J’en ai donné un à l’équipe, Movistar, et je garde l’autre à la maison. Ce sont de beaux souvenirs.  

Lorsque vous avez conquis le Maillot Jaune, vous avez dit avoir été inspirée en le voyant sur les épaules de Marianne Vos...

Je me souviens très bien de ces moments. Au début, je n’étais pas particulièrement attirée par le Maillot Jaune. J’avais l’impression que c’était quelque chose pour les gars, il n’y avait pas la même histoire avec les filles, je ne sais pas. Marianne est une amie et le fait de la voir le porter m'a fait réaliser que nous nous battions vraiment pour ce maillot. Et cela m'a donné encore plus faim : “Je le veux aussi !”  

Lors des deux dernières éditions, Lorena Wiebes, Marianne Vos, Demi Vollering et vous-même avez porté le Maillot Jaune. Faut-il s'attendre à de nouveaux succès néerlandais avec le Grand Départ aux Pays-Bas ?

Je n’ai aucune attente à ce sujet, mais j’espère voir de plus en plus de nationalités entrer dans la danse et se battre pour le Maillot Jaune. Cette année, nous avons déjà vu une grande variété de championnes gagner des épreuves WorldTour et j'espère qu’il en sera de même sur le Tour. J’attends ça avec envie. Le fait d’avoir différentes équipes et différentes nationalités qui se battent rend les choses encore plus excitantes. Et je crois que le salaire minimum dans le WorldTour contribue également à ce que les femmes en dehors de l’Europe puissent gagner l’argent nécessaire pour se développer et se consacrer pleinement à ce sport. Les Néerlandaises sont très fortes, ça ne fait aucun doute, mais j’espère voir de plus en plus de nationalités.  

Quels sont vos projets pour le Tour de France Femmes avec Zwift ?

Je travaillerai avec la télévision, vous me verrez donc tous les jours. Je suivrai le Tour du début à la fin et j’espère assister à une lutte passionnante pour le Maillot Jaune. J’aime ce sport, j’aime le voir grandir et c’est formidable d’entendre déjà tant de gens enthousiasmés par le Tour. L'arrivée à l’Alpe d'Huez m’excite beaucoup également.